Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 00:50

(...)
Quand vous demandez où se trouve une rue, on ne vous accompagne pas mais on vous suit des yeux jusqu'au premier tournant.

(...)
De même qu'il n'existe plus de bons enfants rue des Bons-Enfants, ni de lilas à la Closerie, ni de calvaire place du Calvaire, de même il ne fleurit plus de bruyères à Bécon-les-Bruyères.

(...)
Le Béconnais aime discrètement sa ville. Il en parle peu, ainsi que d'un fils bouffon un père sérieux. La tendresse qu'il porte à son pays, il la dissimule.

(...)
Tous les trains de Versailles et des Vallées ne s'arrêtent pas à Bécon-les-Bruyères. Les voyageurs qu'ils transportent ont l'impression que les Béconnais arrivent en retard en les voyant sur les quais en train de lire leur journal. Ils éprouvent, à cette supposition, un sentiment de contentement. Ils sont si nombreux à le ressentir qu'il semble, une seconde, que c'est ce sentiment lui-même qui passe sur la voie.

(...)
C'est une supposition que font quotidiennement les habitants de Bécon, que celle d'une mort retardant le trafic. Ils se demandent chaque fois si, en ce cas, le service serait interrompu et combien de temps il faudrait pour qu'il reprît normalement.

(...)
En s'éloignant de la gare, comme aucune enseigne, aucun signe ne rappelle l'endroit où l'on se trouve, on marche en se répétant : "Je suis cependant à Bécon-les-Bruyères." Tout est normal. Alors que l'on s'attendait à quelque chose, les immeubles ont des murs et des cheminées, les rues des trottoirs, les gens que l'on rencontre les mêmes vêtements que ceux de la ville que l'on quitte. Rien de différent ne retient l'attention.

(...)
Comme devant une personne dont on vous dit qu'elle est drôle, et avec laquelle on demeure subitement seul à parler sérieusement après que l'ami qui vous la présentée est parti, on est saisi, en arrivant à Bécon-les-Bruyères, de ce sentiment qui veut que, du moment que les choses existent, elles cessent d'être amusantes.
(...)

Emmanuel Bove
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : L' interstice de l’utopie
  • : L’interstice est ce qui est entre deux choses. Pour Marx, ce mot-là était l’ensemble des îlots qui résistent. Dans un monde soumis à une loi unique, favorisons des espaces qui tentent autre chose. Multiplions les îlots. Encourageons les initiatives qui bousculent le pouvoir en place. Inventons un monde ou l’idée du marché n’est plus la règle. Construisons des espaces-temps qui permettent d’expérimenter et de concevoir qu’une autre vie est possible. Réduisons l’espace qui mène à l’utopie.
  • Contact

Recherche

Archives